Nathalie CAMPION



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CV

Enfant, je passais beaucoup de temps dans la nature, les mains pleines de terre glaise que je récoltais dans les étangs et les rivières des Ardennes. Mon rapport avec la Terre était direct, sans préjugé, empreint d'une confiance libératrice, nourrie par le sentiment d'être vivante. Ce n'est que tardivement que je me suis reconnectée à la Terre comme s'il s'agissait de ma première relation intime et de mon lien le plus nourricier.

L'expérience de cet environnement à la fois effrayant et enchanteur est la clé de mon œuvre : la puissance et la fragilité du monde naturel. Je travaille la matière comme s'il s'agissait d'un corps vivant. À partir d'un bloc de terre, la pièce monte rapidement entre mes mains. J'avoue la torturer, la briser, à la limite de l'équilibre. L'œuvre semble s'effriter lentement, telle une métaphore du cycle de la vie qui entame un voyage vers le sol humide. Le centre est encore préservé, mais malmené, au bord de l'équilibre. Ce socle central est enraciné, puissant et nu. Je l'habille ensuite de ses écorces, qui l'enserrent, le protègent et cachent le tronc. Elles sont autour, comme des murs, des forteresses, elles abritent encore ce cœur, mais elles se fissurent, se défragmentent. Ces écorces sont la particularité de mon travail.

La terre souffrante active une forme de focalisation dans la sculpture : l'empreinte de l'humanité sur la Terre est douloureuse. La matière est portée à des états critiques, proche de l'échec. Guidée par mon geste intuitif et singulier, mes œuvres se dressent comme d'étranges créatures de la forêt. Humanisées, elles nourrissent avec force et finesse notre relation avec la nature, exprimant l'inéluctable avec force et mélancolie. La conjugaison paradoxale de deux puissances, la nature et l'humain, s'exprime comme un hommage, une dernière élégie.

Les céramiques qui en résultent rappellent des forêts lointaines. L'utilisation minimale de la couleur renforce l'émotion voulue. Sans outrage, elles autorisent l'existence de ces formes, qui apparaissent comme déjà là, dénuées de toute superficialité. Tantôt calcinées, tantôt cinéraires, mes sculptures évoquent une certaine brutalité de l’homme avec la nature.


11 images
"Corpus #01", 2021. Grès émaillé, feuilles d'or. Photo : Antony Girardi
"Gisant", 2021. Grès émaillé. Photo : Antony Girardi
"Sorcière", 2020. Grès émaillé. Photo : Christophe Beaucarne
"Corpus #3", 2022. Grès émaillé. Photo : Gaspard Beaucarne
"Souche #10", 2019. Grès émaillé. Photo : Philippe De Gaubert
"Souche #7", 2019. Grès émaillé. Photo : Philippe De Gaubert
"Souche #6", 2021. Grès émaillé. Photo : Christophe Beaucarne
"La cage", 2022. Terre-papier émaillée. Photo : Marifer Rached
"Lady Rings", 2022. Terre-papier émaillée. Photo : Marifer Rached
"Fresque murale", 2023. Grès émaillé. in "ceramic brussels"
"La must", "Tour de Babel Fleur", "Tour de babel iconique", 2024. Grès émaillé
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